Jusqu'au bout

mai 2024

Arrête avec ta dérision ! La dérision c’est quand tu penses mieux que moi ce que je crois, et que tu te dis que je suis une pauvre fille, parce que je n’ai pas encore mis l’utopie à la poubelle. Tu me provoques ? Je ne te laisserais pas débarquer dans ma pensée  pour la « dérisionner » ! Jusqu’ici, j’étais très calme, je me suis bien comportée, je me suis tellement bien comportée que je faisais presque comme tout le monde, je photographiais mon assiette et pour ne pas avoir l’air idiote j'y créais des visages pout être moins seule, moi je ne regarde pas Top chef. Comme je vis les deux pieds dans mon époque, je regarde ce que je mange comme une révélation et j’accepte même d’en parler pendant 3 minutes et puis une fois assise j’ai du mal à lever mes fesses, je m’assois trop, trop longtemps, trop souvent, je mange trop et du pas bon, pas équilibré et je ne fais pas ma gymnastique, je n’arrive pas à avoir un bon rythme, je supporte tant bien que mal mon train-train quotidien, je me coince, je n’arrive pas à redresser la barre, je me lève trop tôt ou trop tard, je me couche au moment où il faut manger, je bois du vin à la place de l’eau chaude, je m’endors avant mes rendez-vous, je n’arrive pas à avoir le bon rythme, je digère en dormant, je fais des insomnies, je ne comprends plus ce que la vie veut de moi. Mon corps s’arrondit, mes fesses pendouillent et je n’arrive toujours pas à avoir le bon rythme, je ne fais pas les bons mouvements, le gainage ce n’est pourtant que 10 minutes, mais moi le matin je suis ensuquée, pas réveillée, coincée du dos ou de la nuque et je n’ai pas envie, pas envie du tout de me forcer à me gainer. Heureusement que je ne vois pas mes fesses dans la glace. A vrai dire j’aime surtout voir mon visage en espérant y trouver des signes de bonne santé. Parce que moi, aux stories infiltrées de publicité qui veulent toutes me soigner, je leur dis Basta ! Laissez-moi mon corps à moi ! Mon corps qui se lève, mon corps qui se baisse, mon corps qui se penche, qui se relève, mon corps qui s’assoit, mon corps qui s’affaisse, mon corps qui se crispe, qui s’étire, qui se coince, mon corps qui se tasse, mon corps qui n’en peut plus, mon corps qui regarde le téléphone et qui veut tout le temps regarder mon téléphone, comme si quelque chose allait apparaître plus fort que moi, plus vrai que mon vrai corps, plus beau que ma vie, plus fort que mon existence, voilà où j’en suis dans l’entre-deux des vies et des mondes qui se défient et se « dérisionnent ». 
Et pour la création au fait, comme on va manquer férocement de fric dans le futur-culture, j’aimerais bien discuter le bout de gras ou le bout de vache maigre avec mes ami.e.s, mes collègues, mes partenaires pour savoir qui sait nager ? Qui connait le système D ? Qui a vécu dans la rue ? Qui veut tout arrêter ? Qui se sent une winner ? Qui croit que on va y arriver avec des faut pas se prendre la tête et des c’est toujours la même rengaine ? Qui est prêt.e.s à traverser la rue ou l’océan sans couler ? Qui veut construire son radeau perso de l’art-méduse ? Alors c’est pour ça que je me disais, qu’avant la débandade, il valait mieux que je me soucie de mon corps… Même si je crois que je ferais tout le contraire car la seule chose qui m’intéresse vraiment, c’est de performer mon inaptitude à me conformer au monde, performer ma puissance et mon impuissance. Alors, moi je vais bouffer des oignons crus ! 
Et avec ce défi-là aller jusqu’au bout !

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