PLEIN FEU

Août 2022

Il fait chaud non ? Incroyable cette chaleur ! Quel été ! Et cette cendre volatile ? Incroyable ! Grisaille sans épaisseur écrasée entre deux doigts ! Oubliée déjà ? Incroyable ce ciel d’orange orage ! Incroyable ! Qui l’eut cru Lustucru ! Et tourne, tourne la ritournelle pour oublier Notre Dame en flamme et tous nos morts parce qu’ils sont morts et que ce n’est pas ici et que c’était il y a longtemps, oublier Peter Brook, paix à son âme, je relirais ses livres, oublier nos chagrins, nos chocs, nos horreurs, oublier les grandes guerres d’un autre siècle qui n’ont, somme toute - qui paiera l’addition - aucun rapport avec la guerre en Ukraine et les bombes en Israël et les meurtres au Mali et la guerre des gangs à Haïti. Ça sent le brulé, tu ne trouves pas ? Incroyable notre capacité à oublier la douleur, l’enfermement, oublier les virus ! Ça galope au loin ça galope ailleurs non ? C’est ailleurs ? Oublier l’ailleurs et la cendre sur ma tête ! Oublier les insultes et la stupidité des hommes qui se justifient à longueur de journée pour vérifier leur petite bandaison face à la terre incommensurable ! Ça brûle et les hommes veulent avoir le dernier mot de leur vieille histoire, ils ferment les portes ta gueule la vie ! C'est un incendie, Non ? Incroyable notre capacité à oublier ce que l’on voit, ce que l’on a vu, ce qui est gros comme une maison, comme un camion, comme une forêt, un paysage, une montagne, comme un désert qui brûle ! Incroyable notre capacité à oublier la fournaise australienne, la brûlure, la friture, l’explosion, l'allumette, la terre incandescente indécente. Incroyable de pouvoir oublier la faim dans le monde, la vache à l’abattoir, le chevreau tué ce soir, et manger tranquillement le fromage de la mère chèvre sous le platane centenaire ! C’est une pluie de cendres au dessus de nos têtes Non ? Incroyable notre capacité à oublier, incroyable notre soumission à la croissance, incroyable notre faux combat avec la fatalité ! Regarde tout brûle ! Tout brûle Non ? OUI je sais, OUI j’ai vu, OUI je me rappelle, OUI ! Cet accouchement planétaire n’est pas le mien, mon utopie est au fond du trou et cette sale histoire, cette maladie de terre me colle à la peau, c’est pourquoi je dois dire ce qui ne doit plus être oublié ! Et respirer tout doucement l’air brulant ! Quel été ! Il fait chaud Non ? Mais si le feu gagne mon cœur et si je brûle... Qui m’éteindra ? 
Qui me soignera ? Qui saura me dire pourquoi ?

 

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