J’aimerais sauter sur ton ventre parce que c'est une grosse bêtise, parce que ce n’est pas le moment quel moment, parce que je suis grassouillette et que mon sens de l’équilibre n’est pas au top et que, si je saute sur ton ventre relâché tout mou comme un vieux matelas et velouté comme du sable mouvant, je te ferais mal. Mais j’aimerais beaucoup beaucoup sauter sauter sur ton ventre rebondi joli parce qu’à ce moment-là je serais au-dessus, en l'air, cabriolant sur mon impossible vertical, et que trampoliner sur ton bidon c'est comme plonger dans un lac suspendu, caresser un nuage, ouvrir la porte du paradis, déjouer l’immobilisme, la mauvaise digestion, les coliques, les lourdeurs et le poids de l’histoire, l'utopie verticale et les raisonnements à l’emporte pièce, la connaissance médicale et tout le reste.  Alors si tu passes par chez moi et que négligemment nous nous allongeons sur l’herbe, dans un coin où il fait plus chaud qu’à Paris et parce qu’il fera bon regarder le ciel en plein hiver, sache que peut-être j’aurais cette envie irrépressible de te sauter sur le bidon à cloche pied très très vite ou d’un pied sur l’autre en rigolant à gorge déployée et que ça ne sera pas grave et que peut-être tu rigoleras toi aussi et que quand tu auras peur, quand tu crieras, quand tu auras mal, j’arrêterais, peut-être j’arrêterais, et je reviendrais me coucher à côté de toi mine de rien parce que ce qui m’aura échappé à ce moment-là remplira le ciel de la joie de tous les possibles.