Juin 2022
Tourbillon étrange que celui de mes ami.e.s qui rôdent autour de moi et s’affichent, petite foule qui brandit son portrait, attroupement non localisé, armée qui cherche son combat, troupeau joyeux et macabre, grappe sans goût de présent. Vous êtes là à regarder nombril, assiette et chat tournant autour du pot, vous êtes là à faire semblant de pleurer le mort du jour, ce presque connu de vous, cette vedette oubliée, ce vieillard qui vient d’y passer. Vous êtes surpris.e.s et peiné.e.s que cela arrive, vous rodez toute la journée sans penser à mal, quoique… Vous observez l’autre à la loupe, vous vous congratulez, vous vous fêtez, vous vous lovez émoticône obligé pensant récupérer la monnaie de votre pièce, vous mordez, vous vous lynchez, faut bien rigoler ! C’est un ballet mal organisé, une cour anarchique qui cherche ce qui peut l’éclairer. Mais le roi est inatteignable et ses courtisan.ne.s se bousculent au portillon de l’apparence. Mes ami.e.s, je vous vois de plus en plus mal du fond de l’obscur, dans le noir de vos pensées, je vois vos combats, vos dépressions, mais je vous vois mal. Vous êtes les champion.ne.s pour annoncer en premier toutes les morts lointaines, vous cherchez la Une et le gros titre pour exister, vous vous frottez au succès de l’autre pensant être invité.e.s, vous faites semblant d’être humbles pour être remercié.e.s mais je vous vois mal. Vous affichez tout ce qui peut vous encenser, mais je vous vois mal, j’ai du mal à reconnaître vos visages, je vous vois dans l’ombre, vous me saluer sans pouvoir vous arrêter, sans me serrer la main, sans m’embrasser. Je ne vous veux pas de mal mais je ne comprends plus qui vous êtes, je vous vois au pied d’un grand mur, travaillant comme des fourmis l’image et le compliment mais dites-moi, suis-je votre amie ? Qu’est-ce que vous attendez de moi ? De la compassion pour tous vos morts ? Je crains qu’à force de fouiller mon cœur, ma compassion ne tarisse. Il y a trop de morts, trop de guerres, trop d’effroi pour que mon petit cœur continue à battre à votre rythme ! Il y a trop de beauté, de succès, de créations merveilleuses pour que mes yeux continuent de se réjouir ! Tous nos rendez-vous manqués sont des moulins à vent qui s’agitent. Je vous ai raté ! Et tout tourne violemment au rythme de nos angoisses, nous nous cognons à la mort, mes ami.e.s et je ne vous entends pas crier ? Vous voila donc pétrifié.e.s face au pilori diabolique de nos apparences qui nous étreint comme une écharpe trop serrée. Ce mur est le ver solitaire trop bien nourri de nos pauvres identités, de nos insanités, de nos fiertés bafouées, de notre liberté muette. Mes ami.e.s je vous ai perdu.e.s derrière le cauchemar annoncé de notre multiplication sans fin, miroir aux alouettes qui nous reflète et nous enterre à la même minute et dont personne ne semble se soucier.
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