J’ouvre le lieu de l’impossible dans ta cave ou dans mon grenier, j’y réunis des poètes et des vauriens, des gueux, des âmes en peine, des joyeux lurons, des illuminés, des funambules, des passionnés, des amoureux et j’offre un verre pour que l’on se désaltère le gosier, et qu’on porte un toast à notre jouissance malmenée puis je déroule le tapis de la sieste et je fais visiter la chambre nuptiale, je montre la porte de sortie et la porte d’entrée pour une bonne circulation et une bonne fuite en cas de grabuge, je mets sur la porte d’entrée que nous sommes un cabinet ministériel compétent et que l’on ne peut entrer que sur rendez-vous. Je raconte en mille anecdotes le protocole du lieu, je raconte comment on s’embrassera à pleine bouche, comment on fera l’amour peau contre peau, comment on se blottira sur la poitrine de son voisin, comment on créera en secret, comment on dansera jusqu’à l’aube. Et puis on écrira sur le papier et les nuages notre histoire, une histoire à la hauteur de notre histoire, une histoire grandiose et dramatique, une histoire de choc et d’enfermement, une histoire immense et charnelle, une histoire de survivance et de sale virus et on chantera et on s’embrassera à nouveau pour se consoler, pour reprendre espoir et on écrira encore et encore d’autre mélodies plus invraisemblables, plus troublantes, plus insensées, et blottis sur la poitrine du bel étranger on dansera jusqu’à l’aube pour célébrer la maladie du monde et on fera l’amour encore une fois jusqu’à en oublier de sortir, jusqu’à en oublier de se quitter, jusqu’à en oublier que l’on devait travailler. Et on boira tout son soûl et on s’inventera une autre identité pour ne plus être contrôlé, on jouera au jeu de la vérité pour ne plus être soupçonné, on s’amusera de la vie et de ses facéties car nous aurons décidé qu’une seule chose nous importe : notre liberté !